mardi 22 mars 2011

Oscar Wilde hors des sentiers battus

Me revoici à vous parler livres. Et cette fois, il ne s'agira ni de policier, ni de vampires, promis : je vous propose un petit voyage dans le passé. "Classique", vous avez dit ? Oui, tout à fait. S'il y a peu de chance pour que j'écrive un jour un commentaire sur Chateaubriand ou sur La Princesse de Clèves (j'avoue, à ma grande honte, que le livre m'est tombé des mains...), j'ai un gros faible pour les classiques du XIXème siècle anglais. Et parmi eux, Oscar Fingal O’Flahertie Wills Wilde... l'Irlandais (vous noterez au passage que ses parents y sont allés un peu fort avec les prénoms à sa naissance: l'enthousiasme sans doute !). Wilde, le Dandy avec un D majuscule. L'auteur de neuf pièces de théâtre, d'un nombre important d'essais, de contes, de nouvelles, de poésies, mais d'un seul roman qui le rendra immortel. L'homme qui en quelques années est devenu la coqueluche de la haute société londonienne avant d'en être exclu sans rémission.

Oscar Wilde
Portrait d'Oscar Wilde

J'ai relu récemment ses oeuvres complètes aux éditions de La Pléiade et m'en suis délectée. Un vrai bonheur, même en comptant la perte subie par la traduction. Ses pièces de théâtre restent certainement parmi les plus jouées encore dans le monde et ont fait l'objet de plusieurs films. Pour ceux qui les apprécient, je recommande fortement le DVD L'importance d'être constant (l'avantage, c'est qu'on peut aussi profiter de la version anglaise...) avec Ruppert Everett et Colin Firth.



Mais le sujet de ce message n'est pas cette pièce (magnifique) ni même l'oeuvre théâtrale et romanesque d'Oscar Wilde. Après tout, Le Portrait de Dorian Gray est devenu un tel succès littéraire - et aujourd'hui cinématographique - qu'il ne me semble pas indispensable d'y ajouter mes commentaires enthousiastes. Donc, disais-je, je vais vous parler de textes moins connus aujourd'hui mais qui m'ont touchée et m'ont fait découvrir une autre facette d'un personnage complexe et passionnant : ses essais, son dernier poème et la lettre qu'il a écrite de prison, De Profundis. Vaste programme, mais - pas d'inquiétude ! - je vais faire court pour ne pas vous ennuyer et vous convaincre que le mieux, c'est finalement de lire ces oeuvres. 


Aphorismes
Faites vous plaisir avec
quelques bons mots choisis
puis passez au reste de ma prose !

D'abord ses essais. Il en a écrit un certain nombre, dont les plus intéressants portent sur sa vision de l'art, sur l'esthétisme qu'il sépare du moral, particulièrement en littérature : un livre est beau ou pas, bien écrit ou pas, qu'il soit moral ou non. Son Portrait de Dorian Gray, qui avait été attaqué sur le plan littéraire en se fondant sur sa moralité, est devenu le symbole de ce que représente l'art et la beauté pour Oscar Wilde. Il développe sa vision moderne de l'art dans ses Essais de littérature et d'esthétique qui paraîtront entre 1886 et 1890. Mais on retrouve également ses idées, et plus particulièrement son refus du réalisme dans l'art dans l'essai que j'ai préféré (qui se trouve dans un recueil d'essais intitulé Les Intentions) qui s'appelle Le déclin du mensonge. Selon lui, l'art ne doit en aucun cas être le reflet de la réalité mais au contraire présenter une création, un magnifique mensonge, si beau qu'il en devient plus puissant que la réalité. La subjectivité, la créativité sont des éléments indissociables de la création artistique, à laquelle il rattache également la critique artistique (pour lui, la critique est une oeuvre d'art en tant que telle, donc ni objective, ni impartiale, ni même rationnelle, qui ne cherche pas à "expliquer" une autre oeuvre mais qui existe en soi)... Si vous avez lu mon article sur les expos de Beaubourg, vous verrez que je ne lui donne pas tort ;o) !

Intentions
Le déclin du mensonge, La critique est un art,
Plume, pinceau, poison et La vérité des masques

Le De Profundis (ainsi que le poème magnifique intitulé La Ballade de la geôle de Reading) sont tout autre chose. D'abord parce qu'ils sont intimement liés au vécu personnel de Wilde. Ensuite parce qu'ils ont été écrits dans des circonstances dramatiques et que l'écriture s'en ressent. Et enfin, parce qu'ils prônent facialement exactement l'inverse de cet éloge de l'esthétisme au détriment du profond. De Profundis et La Ballade, c'est le contraire de la superficialité si chère aux personnages de ses pièces de théâtre (mais pas tant à son auteur me semble-t-il). Le poème doit être lu en version originale, pour son rythme entêtant, presque angoissant. Il a été écrit après la sortie de prison de Wilde, sous son numéro de détenu, et a connu un succès considérable en Angleterre. C'est la dernière oeuvre qu'il ait produite. Elle décrit les derniers moments d'un condamné à mort. Chair de poule assurée.
De Profundis, quant à lui, est une longue (très longue... ) lettre, un peu brouillonne mais très touchante, écrite en prison, après quatorze mois de travaux forcés, et adressée à l'homme responsable de son internement, Alfred Douglas. Une lettre au vitriol qui dresse un bilan terrible de la relation des deux amants mais qui revient aussi longuement sur ses idées sur l'art, l'écriture, la religion, l'amitié. Une lettre d'amour aussi, aussi étrange que cela puisse paraître. Où l'on voit les faiblesses d'un homme orgueilleux qui se prenait parfois trop au sérieux mais qui souffrait dans son corps et dans son coeur. Un témoignage également de la vie en prison qui fait frémir.

Fichier:Homosexualitywilde.jpg
Oscar Wilde et Alfred Douglas

Je crains de mêtre encore laissée emporter par l'enthousiasme... Mais que voulez-vous, comme le dit si bien Wilde,  "je résiste à tout, sauf à la tentation"... et là, la tentation de vous en écrire une tartine était trop forte ! Désolée. J'espère au moins avoir été intéressante et vous avoir donné envie de lire autre chose d'Oscar Wilde que Le Fantôme de Canterville ou L'éventail de Lady Windermere (même si je les adore !). Si vous cherchez sur internet, vous trouverez à télécharger gratuitement les oeuvres d'Oscar Wilde sur Gutenberg, donc vous n'avez plus d'excuses. Et si vous allez voir, c'est que j'aurai réussi !!!

Pour ceux d'entre vous qui seraient intéressés par la vie étonnante de l'auteur, voici un site en français avec de nombreuses photos intéressantes, dont celle de la statue en pierres de couleurs représentant un Oscar Wilde ambivalent, souriant d'un côté et triste de l'autre, dans Merrion Square à Dublin. Une oeuvre superbe et d'une originalité aussi paradoxale que l'homme qu'elle représente.


Statue of Oscar Wilde in Dublin's Archbishop Ryan Park
Oscar Wilde dans Merrion Square - Dublin
Statue de Danny Osborne (néphrite verte du Yukon, thulite rose de Norvège
jade blanche(qui va remplacer la porcelaine) et marbre sur granit)
 Je vous laisse au plaisir de la lecture.

A très bientôt sur Les Arts d'Alexe !

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